25 Avr Harcèlement : les lycéens du NAH interviennent
Harcèlement : dans ce lycée normand, des élèves prennent le problème à bras-le-corps depuis 5 ans
Ouest-France – Publié le
« Non au harcèlement », c’est le nom de l’association née à l’initiative d’élèves au sein du lycée Jeanne-d’Arc, à Bayeux (Calvados), il y a maintenant cinq ans. Chaque année, ce groupe de lycéens désamorce des dizaines de situations, estime leur chef d’établissement.
« Trop bien, on n’a pas cours de maths ! » Ce lundi après-midi, les 6e C du collège Jeanne-d’Arc à Bayeux n’entendront effectivement pas parler fractions, pourcentages ou calculs de périmètre. Ils n’écouteront pas non plus un ou une professeur(e), pendant les deux heures à venir, mais quatre lycéennes de leur établissement. Et n’allez pas croire que l’heure sera à la détente pour autant.
Car si Fabiola, Aziliz, Cléa et Agathe se présentent devant eux aujourd’hui, c’est pour parler harcèlement. Toutes les quatre sont membres de l’association NAH (Non au harcèlement), née en 2019 à l’initiative d’élèves. « Coline, une jeune fille qui avait elle-même subi du harcèlement au collège était venue me voir avec cette idée, se souvient Gilles Traguet, le directeur du collège-lycée privé. Elle a très vite été suivie par d’autres camarades. »
Cinq ans plus tard – alors quele programme pHARE prévoit depuis quelques mois seulement la désignation d’élèves ambassadeurs dans tous les lycées de France – « une vingtaine de premières et de terminales font partie du NAH », précise Fabiola Capelli, l’une des quatre lycéens référents de l’association bayeusaine. Chaque année, le groupe intervient au sein de toutes les classes du collège « pour poser les bases de ce qu’est le harcèlement, de ce qui peut le motiver, de ses conséquences pour la victime mais aussi pour le harceleur », développe Fabiola, très à l’aise dans ce rôle de pédagogue. Élaboration d’une carte mentale, jeux de rôle, projection de petites vidéos… Pour mener à bien leurs interventions, les lycéens ont été formés par la MCPF (Maison de confiance et de protection des familles). « On se transmet ce savoir d’année en année, au fur et à mesure que les membres du NAH se renouvellent. »
Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ces prises de parole paient. « Souvent, après notre passage, des victimes ou des témoins viennent nous voir pour nous parler d’une situation. Des harceleurs se rendent compte aussi par eux-mêmes de ce qu’ils sont en train de faire vivre à un autre élève et changent de comportement », relate Fabiola, fière de pouvoir agir. Car en plus de prévenir, le groupe d’élèves, qui a aussi mis en place des boîtes aux lettres, s’emploie régulièrement à guérir. « Chaque année, des dizaines de cas se règlent grâce à eux, sans qu’aucun adulte n’ait à intervenir », estime Gilles Traguet, le chef d’établissement. Cet automne encore, « le NAH a désamorcé une situation entre quatre élèves qui aurait pu très mal se terminer ». «
Grâce à eux, nous repérons généralement très tôt les situations problématiques », apprécie Mohammed Anouari, le CPE du collège (conseiller principal d’éducation), désormais habitué à convoquer les élèves harceleurs, accompagné d’un ou plusieurs membres du NAH. « Le fait qu’on soit des jeunes, qu’on ait quasi le même âge, je pense que ça donne de la valeur à ce qu’on leur dit », considère Fabiola, presque 19 ans. Gilles Traguet l’accepte volontiers : « Il est évident que leur parole est beaucoup plus percutante et convaincante que la nôtre. »
Si Fabiola Capelli se montre aussi investie quant à la problématique du harcèlement à l’école, c’est parce qu’elle y a elle-même été confrontée de près. Elle raconte :« Avant d’arriver à Jeanne-d’Arc, en septembre 2021, j’ai été victime de harcèlement. C’était ma première année de seconde et celles que je pensais être mes meilleures amies m’ont fait vivre un calvaire. Ça a commencé par des petites réflexions, des remarques désagréables, j’avais grossi, j’étais mal habillée. Et puis après, il y avait aussi des actes : elles me jetaient de l’eau froide dessus, faisaient en sorte que mon pantalon soit taché à l’entrejambe…
Tout ça a duré plus de six mois. J’ai longtemps cru que c’était moi le problème, je me suis sentie responsable. J’étais en internat à ce moment-là et, le plus dur peut-être, c’est que j’en ai parlé à ma surveillante de chambre mais qu’elle n’a rien fait. Heureusement, j’ai réussi à alerter mes parents, ils m’ont beaucoup soutenue. J’ai voulu redoubler, pour ne plus être avec ces filles, et j’ai finalement changé d’établissement.
Maintenant, à chaque fois que j’interviens devant une classe avec le NAH, j’évoque mon propre vécu. Je le vois bien, ça interpelle tout de suite beaucoup plus. Une histoire concrète, le fait que ce soit mes deux meilleures amies qui m’aient fait vivre ça, ça interpelle les élèves. Et ça permet à certains ou certaines de prendre conscience de ce qu’ils font vivre à d’autres. Le NAH me prend beaucoup de temps, mais avec ça, je me sens utile. Comme on est jeunes, je crois qu’on nous écoute beaucoup plus. J’espère vraiment que cette association va exister encore longtemps. »